Poules, oies et canards
Malheur à ceux qui ignorent
le charme d'un vrai poulailler, où s'ébattent plusieurs
races de poules, fouillant la terre ou bien perchées, sur
une patte, l'il figé dans une méditation soudaine,
guettant peut-être le coq conquérant qui est le plus
bucolique des réveille-matin ! Elles regagneront tout à
l'heure la paille de leur abri pour y déposer leurs ufs,
cette merveille de la nature qui appelle la mouillette, fine lamelle
de pain couverte de beurre frais. Les poules voisinaient autrefois,
le plus souvent, avec la pintade à la jolie robe grise, avec
les canards bavards et joyeux, et parfois avec les dindons, créatures
étranges et exotiques que la nature a grimées comme
pour le carnaval.
La basse-cour d'autrefois était un monde coloré,
qui attendait avec impatience et jouait du bec et de l'ergot lorsque
arrivait l'heure de la soupe. La Normandie comptait à une
époque six races de poule (dont pour les plus connues, la
Cotentine, la Gournay, la Crève-coeur et la Pavilly) sans
compter les races naines, trois races de canards dont le fameux
"rouennais" et deux races d'oies. Loie majestueuse
impressionnait les enfants, et son mâle, qui pinçait
dur, encore bien davantage. Les petites poules de Barbarie, charmantes
miniatures, surveillaient de minuscules créatures duveteuses.
Dans le clapier voisin, il était interdit de déranger
la progéniture des lapines au poil si doux, cachée
dans son nid, lorsque l'on venait distribuer l'herbe ramassée
le long des chemins.
Tout ce petit monde a subi de plein fouet la concurrence assassine
des élevages intensifs : il n'a pas pour autant disparu.
Dans bien des fermes, on vous vendra volontiers un poulet dont vous
aurez peine à croire qu'il est l'ancêtre des pauvres
créatures élevées en batterie : poulet rôti
ou poule au blanc, dinde de Noël ou canard goûtu vous
rendront plein d'indulgence pour les frasques de Goupil. C'est si
bon...
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Le foie gras
Faire du foie gras en Normandie,
les grands-parents de nos producteurs d'aujourd'hui n'en auraient
pas cru leurs oreilles, et il n'est pas invraisemblable de penser
qu'ils y auraient vu de l'extravagance, voire de la folie. Et pourtant,
la belle aventure s'est transformée en réussite. Rien
ne manquait, hormis l'histoire, pour que l'affaire tourne rond :
les oies et les canards couraient depuis longtemps dans les basses-cours
et dans les herbages. On appréciait leur chair rôtie
et leur duvet pour faire de la literie. Il restait à apprendre
cormment les engraisser pour produire l'invité de marque
des réveillons, que la plupart des bons établissements
ont inscrit à leur carte : le foie gras, bien sûr !
C'est chose faite, et bien faite. Les sceptiques avaient
tort. Beaucoup de producteurs proposent le fruit de leur travail
sur les marchés organisés au moment des fêtes.
Cela n'interdit nullement de leur passer commande tout au long de
l'année. Si vous achetez un foie gras frais, vous connaîtrez
l'exaltation des alchimistes, en y ajoutant un doigt d'alcool, une
pincée d'épices, en osant le mariage du salé
et du sucré. Lhumilité ne s'impose qu'en apparence
lors de la dégustation, car le foie gras est bien meilleur
assaisonné de compliments.
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