Les produits laitiers

  L’éducation nationale, soucieuse de nos chères têtes blondes, envoie aujourd'hui les petits Normands en classe verte, à la ferme : ils y découvrent, bonheur sans nom, ce qui a fait le quotidien de leurs grands-parents. Nous sommes tous, à des titres divers, de la campagne.
Le temps n'est pas si lointain, en effet, où l'heure de la traite rythmait la vie de la ferme, qui ne connaissait ni dimanches ni vacances. Matin et soir, aux champs la plupart du temps, à l'étable au cœur de l'hiver, on s'en allait traire les bêtes, qui portaient un nom : et c'était rassurant d’entendre le bruit régulier du lait qui moussait dans le seau, blanc trésor dont on prélevait quelques litres pour la consommation de la maison ; ce lait-là n'était ni pasteurisé ni de " longue conservation " : il se formait à sa surface une peau épaisse et crémeuse que les grand-mères recueillaient pour régaler les petites canailles de " gâteaux-peau de lait " embaumant la cuisine. Le riz au lait de ce temps-là attachait au fond de la casserole, que l'on grattait avec délices, Et si l'on ajoutait de la crème dans la teurgoule, ce n'était pas, il faut le dire, par nécessité. On tartinait alors, sur de belles tranches d'un pain de six livres, un beurre haut en couleur et en goût, qui disait la nature de l'herbage et le rythme des saisons.