Dresser une
table
Le plaisir des gourmets commence
avec les yeux : une jolie table est déjà un cadeau
pour vos invités.
Quels que soient les moyens dont vous disposez, vous pourrez ajouter
à la joie des convives par un décor raffiné
: l'un ne va pas sans l'autre, comme en témoignent peintres
et graveurs représentant la table des rois de France ou des
bourgeois de la Belle Epoque. Nappes brodées, cristaux étincelants,
porcelanes fines et pièces dorfèvrerie sont
hélas dans la plupart des cas inabordables pour le commun
des mortels. Qu'importe ! la simplicité n'est pas, bien au
contraire, incompatible avec la beauté, et la buée
de l'eau fraîche sur le bleu d'une carafe ou une corbeille
de fruits joliment présentée peuvent composer, à
peu de frais, un harmonieux tableau.
N'hésitez pas, toutefois, à sortir pour ceux
que vous recevez les jolis souvenirs de famille dune grand-mère
qui vous a légué, outre ses recettes et, qui sait,
son savoir-faire, de jolis verres des Années folles, d'amusantes
assiettes ornées d'histoires édifiantes ou humoristiques,
des serviettes brodées à ses initiales, tous ces objets,
modestes ou prestigieux, que les femmes se transmettent comme des
gages de bonheur : ils ont le charme des choses aimées, et
vos invités y seront sensibles. Ils se marieront très
bien, de surcroît, avec les jolies choses d'aujourd'hui.
Soyez attentifs au bon usage des couleurs, et faites en sorte
que la nappe s'harmonise avec votre intérieur. Bannissez
les contrastes trop marqués comme les éclairages trop
violents, tout en veillant à ce que les gourmands puissent
tout de rnême se régaler des yeux avant que la maîtresse
de maison ne donne le signal en souhaitant à chacun un bon
appétit. Une nappe blanche, impeccablement repassée,
est l'assurance d'un sans-faute, surtout si votre vaisselle est
colorée. En revanche, si vos assiettes sont blanches, vous
pouvez opter pour une nappe plus fantaisie.Veillez à ce que
le couvert soit dressé avec soin : lanappe doit être
bien lissée, les assiettes disposées à un centimètre
du bord de la table, et à égale distance les unes
desautres. Couteaux et fourchettes pointes en bas seront disposés
de part et d'autre, tandis que les couverts à fromageet à
dessert seront placés devant les verres, disposés
par ordre décroissant. Les serviettes se posent à
gauche, et une petite assiette à pain ajoutera une note de
raffinement.
Enfin, pour achever le tableau, un ou deux petits bouquets
de table s'imposent : ils doivent être de taille modeste,
pour ne pas encombrer les convives. Evitez les fleurs aux parfums
entêtants qui gâteraient ceux des plats et pourraient
incommoder vos invités. Une jolie bougie très légèrement
parfumée peut ajouter à l'éclat de votre table
et autoriser les fumeurs à sacrifier à leur bon plaisir,
à la fin du repas, bien sûr.
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Composer un menu
Le choix d'un menu s'opère
évidemment en fonction des personnes que vous recevez : faites
en sorte de ne pas heurter les habitudes de vos convives s'il s'agit
d'invités ayant atteint un âge respectable. Un octogénaire
ne partagera pas forcément votre passion pour les sushis,
et un pot-au-feu à la bonne franquette peut être considéré
comme une grossièreté par une belle-mère irascible.
Si vous connaissez bien vos convives, n'hésitez pas à
forcer vos talents pour leur préparer le plat dont l'un d'eux
a évoqué en votre présence le souvenir ému,
vraisemblablement lié à son enfance : votre réalisation
ne sera pas, sans aucun doute, à la hauteur de l'original,
mais vous ferez revivre en bouquet des époques heureuses
et l'on vous en aimera davantage. Le vol-au-vent du dimanche d'autrefois
sera, comme la petite madeleine de Proust, un chef-d'uvre
ressuscité et saura, mieux qu'une pâle tentative de
nouvelle cuisine, régaler les papilles et les âmes.
Si vous recevez des amis étrangers, ne sombrez pas
dans le travers qui consiste à leur proposer un plat dont
vous subodorez qu'il leur parlera du pays. Le plus raffiné
des Marocains peut avoir été élevé à
la choucroute par une gouvernante alsacienne, et votre couscous
fera de toute façon pâle figure à côté
de l'original.
Par bonheur, vous êtes normand
? N'hésitez pas, et faites vérifier à ceux
que vous aimez que votre passion pour les produits de chez nous
n'est pas le fruit d'un aveuglement sentimental, et pas davantage,
comme dit le poète, la marotte d'un " imbécile
heureux qui est né quelque part ". Car à toutes
les étapes d'un repas bien composé, vous pourrez illustrer
l'excellence d'un terroir d'exception où, tout en regardant
le rivage, on peut écouter l'herbe pousser.
Optez-vous pour la mer ? Les huîtres sont merveilles,
et les moules peuvent leur faire, à la bonne saison, une
concurrence redoutable, tout comme le bouquet pris au casier sur
les rivages rocheux, ferme et savoureux . Les poissons fins alignent,
à la débarque, leurs éclats de nacre : turbots
ou soles, saint-pierre ou barbues voisinent avec le roi de l'étal,
le homard bleu de Chausey, aux reflets si subtils et à l'incomparable
saveur ; les petits légumes du val de Saire annoncent pour
leur part la salade de pleine terre, goûtue et croquante.
Optez-vous pour les produits de nos bocages ? Le foie gras
normand a conquis ses lettres de noblesse , la côte de buf,
tendre et persillée, rivalise avec le veau de lait et l'agneau
de pré-salé , si vous êtes d'humeur plus canaille,
le boudin de Mortagne bordé de pommes en l'air vous garantit
le succès. Le poulet de ferme reste une valeur sûre,
rôti ou mitonné en cocotte, avec deux gros doigts de
crème fermière et un bouquet d'estragon. Abondance
de biens...
A l'heure du fromage, la quadrilogie normande fera défaillir
les pauvres citadins voués au diktat de la pasteurisation.
A celle du dessert, tarte aux pommes, ufs de ferme à
la neige ou teurgoule assureront le succès du plus subtil
des digestifs, qui porte le nom d'un joli bout deNormandie : le
roi Calvados prévient, dit-on, tout risque d'indigestion.
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Placer ses convives
Les convenances vous imposent de placer l'invitée
que vous souhaitez honorer à la droite du maître de
maison, et à sa gauche, le suivant dans l'ordre de la déférence
ou de l'affection. La même règle s'applique pour la
maîtresse de maison, qui place à sa droite l'homme
le plus âgé ou celui quelle souhaite honorer particulièrement.
Cela dit, il arrive que l'on oublie, entre amis, le protocole, ce
qui n'exclut pas ce casse-tête parfois insoluble : comment
faire un plan de table qui fasse des heureux ?
Il faudrait à coup sûr être sans cur
pour séparer les amoureux ou les jeunes mariés. Ceci
posé, n'hésitez pas à mélanger les genres
: le réputé sérieux sera sans doute heureusement
surpris par le caractère fantasque de votre amie d'enfance,
et il est possible qu'il se décoince et se régale
de fantaisie. Le bon vin et une compagnie souriante font oublier
les interrogations les plus angoissantes, s'évaporer les
considérations soporifiques sur les bilans financiers et
s'envoler la mélancolie de ceux qui pratiquent la jovialité
avec parcimonie.
Evitez avec soin de réserver le rôle du confident à
un convive tellement gentil qu'il hérite, en toutes circonstances,
du voisin qui n'attend que réconfort d'autrui et l'accable
de ses malheurs, ou d'une incurable bavarde qui lui donnera le tournis
et lui laissera le choix entre l'intempérance ou l'aspirine,
voire l'une après l'autre.
C'est à vous qu'il appartient de faire preuve d'intuition,
et parfois d'audace : sel et sucre font parfois bon ménage.
Si la conversation languit et qu'un ange passe, lancez vos invités
sur un sujet susceptible d'intéresser la plupart d'entre
eux. Et lorsque le démon du débat d'idées les
saisit, savourez le plaisir de n'avoir aucune certitude définitive
: c'est la caractéristique des gens aimables. Soyez attentif
à ce que vos invités ne manquent de rien et prenez
garde qu'aucun ne se sente isolé : souvenez-vous comme c'est
long, un repas où l'on fait tapisserie. En s'assurant que
chacun se sente entouré, vous éviterez cette redoutable
épreuve à l'amie trop timide, au copain complexé.
Vous constaterez alors que la nuit est depuis longtemps commencée
lorsque viendra l'heure où chacun prend congé, et
c'est avec sincérité que vous direz : " Merci
d'être venus ! "
Un invité de marque est en effet, avant tout, celui
qui sait partager ces soirées que l'on évoque longtemps
après, parce que l'on a tant ri, parce que l'on n'a tout
simplement pas vu le temps passer.Les hommes se nourrissent aussi
de jolis souvenirs.
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L'art floral
et la table
Il n'est pas de jolie table, dans ce pays où les jardins
sont rois, qui ne soit parée de fleurs. On peut faire appel,
bien sûr, aux talents des spécialistes, qui rompant
avec une tradition aux couleurs tapageuses, composent aujourd'hui
des centres de tables charmants, où les fleurs épousent
quelquefois l'ananas, l'artichaut, le chou aux re-flets violets.
On peut aussi, pour peu qu'on soit propriétaire d'un
petit coin de paradis, partir sécateur en main et improviser,
au crépuscule, le plus joli des bouquets de campagne. Les
fleurs fraîchement cueillies ont toujours un petit quelque
chose de plus : c'est le poids de l'ondée sur une rosé
épanouie, la clochette volée au muguet par un moineau
facétieux, les pétales qui manquent, un peu ou beaucoup,
à la marguerite des amoureux... Comme un petit défaut
fait le charme d'une jolie femme, ces poétiques imperfections
ajoutent un peu d'âme à ces éphémères
et odorantes merveilles de la nature.
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